COVID-19: Questions/réponses sur les impacts en droit du travail français
Afin de tenir compte de l'impact de la pandémie COVID-19 sur l'activité économique française, des mesures spécifiques pour les salariés et les entreprises ont été mises en place. Le 23 mars 2020, une loi d'urgence (loi n°2020-290) a été publiée au Journal Officiel afin de permettre au Gouvernement de prendre des mesures exceptionnelles et temporaires par le biais d’ordonnances. Le 26 mars 2020, 25 ordonnances ont été publiées au Journal Officiel.
Vous trouverez ci-dessous un aperçu général des questions pratiques que vous pourriez vous poser en qualité d’employeur au sujet des impacts du COVID-19 sur votre activité.
Q1 - Dois-je cesser mon activité ?
En vertu d'un décret mis à jour le 23 mars 2020 (n°2020-293), les établissements mentionnés par le décret ne peuvent plus recevoir de public avant le 15 avril 2020 (par exemple, les restaurants sauf services de livraison et de vente à emporter, les centres commerciaux sauf services de livraison et de vente à emporter, les musées, les bibliothèques, les écoles, les centres de vacances, etc.). Une liste d'exceptions est prévue par le décret.
En dépit de ce qui précède, le Gouvernement a annoncé que les entreprises doivent maintenir leur activité sous réserve de prendre des mesures pour assurer la santé et de la sécurité de leurs salariés. Les entreprises doivent ainsi prendre des "mesures de barrière" pour empêcher la propagation du virus, c'est-à-dire, en pratique, fournir des gants, des masques et du gel hydro-alcoolique ou du savon, respecter les distances de sécurité, etc.
Q2 - Que puis-je faire face à la crise ?
1. Évaluation des risques. Le code du travail impose aux employeurs de prendre les mesures nécessaires pour assurer la protection de la sécurité et de la santé de leurs salariés. À cette fin, l'employeur doit procéder à une évaluation du risque professionnel.
Cette évaluation des risques doit être retranscrite dans le document unique d'évaluation des risques qui doit être mis à jour afin de tenir compte de la pandémie actuelle. Les mesures de prévention résultant de l’actualisation du document unique d'évaluation des risques doivent être portées à la connaissance des salariés afin de permettre leur pleine application.
2. Il est demandé aux entreprises de mettre en place le télétravail chaque fois que cela est possible. Le recours au télétravail devient la règle pendant la pandémie COVID-19. Ce n'est que si le télétravail est impossible que les salariés peuvent continuer à travailler sur leur lieu de travail habituel. Les salariés travaillant en télétravail doivent fournir à leur employeur une attestation d’assurance couvrant le télétravail.
3. Si le télétravail n'est pas possible, les entreprises sont tenues de mettre en place des "mesures de barrière" pour empêcher la propagation du virus et respecter ainsi leur obligation de sécurité envers leurs salariés. L'employeur doit s'assurer que les règles d'hygiène et de sécurité sont effectivement respectées, que les réunions sont limitées au strict nécessaire, que les rassemblements de salariés sont strictement limités et que les déplacements qui ne sont pas impératifs sont annulés ou décalés.
* Les salariés travaillant hors de chez eux doivent se munir d’un justificatif de déplacement professionnel fourni par l'entreprise ainsi que del’attestation de déplacement dérogatoire dument remplie et signée.
4. Arrêt de travail spécifique pour les parents d'enfants de moins de 16 ans. Les salariés ayant des enfants de moins de 16 ans pour lesquels le télétravail est impossible peuvent demander un arrêt de travail spécifique valable jusqu'à la réouverture des écoles et établissements d’accueil. Les employeurs ne peuvent pas refuser cet arrêt de travail spécifique et doivent le déclarer ici.
*L’arrêt de travail ne peut bénéficier qu'à un seul parent à la fois. Le salarié concerné doit fournir à son employeur une attestation sur l’honneur mentionnant qu’il / elle est le seul parent bénéficiant de cette mesure. Il est possible de fractionner l'arrêt de travail ou de le partager entre les parents pendant la durée de la fermeture de l'établissement.
5. En cas de baisse d'activité de l'entreprise en raison de la pandémie COVID-19 et en particulier celles concernées par l’arrêté de fermeture (restaurants, cafés, magasins, etc.), l'entreprise peut être éligible à une mesure d’activité partielle.
Qu'est-ce que c'est ? L'activité partielle est une mesure collective (c'est-à-dire concernant l'ensemble des salariés ou une catégorie de salariés) s’adressant aux entreprises qui subissent soit une réduction temporaire de la durée habituelle de travail soit une fermeture temporaire de tout ou partie de l’établissement après obtention d’une autorisation préalable de l'administration.
*Le décret n°2020-325 sur l’activité partielle publié au Journal Officiel du 26 mars 2020, prévoit qu’au regard des circonstances exceptionnelles du COVID-19, l'employeur dispose d'un délai de 30 jours à compter du placement des salariés en activité partielle pour adresser sa demande par tout moyen donnant date certaine à sa réception. Toutefois, en pratique, il est recommandé d’adresser sa demande dès que possible afin d’éviter une situation particulièrement difficile en cas de refus du préfet d’accéder à la demande d’activité partielle et du nombre important des demandes
Une procédure spécifique doit être respectée pour la mise en œuvre de l'activité partielle, notamment l’information et la consultation du Comité Social et Économique. Le décret sur l’activité partielle publié au Journal Officiel du 26 mars 2020 prévoit que les employeurs peuvent, à titre exceptionnel, recueillir l’avis du Comité Social et Économique postérieurement à la demande d’activité partielle et le transmettre dans un délai d’au plus 2 mois à compter de la demande d’activité partielle.
*L'activité partielle n'est pas automatique et l'entreprise doit justifier de sa demande. En particulier, l'entreprise devra justifier et documenter les motifs qui la poussent à recourir à l’activité partielle (difficultés économiques, fermeture de l'entreprise en application d'une réglementation récente, etc.).
Le délai d'acceptation exprès ou tacite des demandes d'autorisation préalable est ramené de 15 à 2 jours par le décret sur l’activité partielle publié au Journal Officiel du 26 mars 2020.
Combien cela coûte-t-il ? Les salariés soumis à une activité partielle ne perçoivent pas leur salaire habituel mais une allocation spécifique versée par l'employeur. Cette allocation correspond à 70 % de la rémunération horaire brute du salarié (soit environ 84 % de la rémunération horaire nette du salarié).
*Certaines conventions collectives peuvent prévoir une allocation plus élevée pour une activité partielle (par exemple Syntec).
*Le décret sur l’activité partielle publié au Journal Officiel du 26 mars 2020 prévoit que « le taux horaire de l'allocation d'activité partielle est égal pour chaque salarié concerné à 70 % de la rémunération horaire brute […] limitée à 4,5 fois le taux horaire du SMIC » (soit 6.927 €bruts par mois). En pratique, cela signifie que l’allocation spécifique d’activité partielle réglée par l’entreprise au salarié sera entièrement couverte par l’État (sans coût pour l’employeur) sauf i) si l’entreprise souhaite ou doit, en vertu d’un accord ou d’une convention collective notamment, payer au salarié une allocation supérieure à l’allocation spécifique (correspondant à 70% de la rémunération horaire brute du salarié) soit ii) si l’allocation est supérieure à la limite de 4,5 SMIC.
L'allocation versée par l'État à l'entreprise ne couvre pas nécessairement la totalité de la rémunération du salarié.
Les salariés bénéficiant d'une activité partielle recevront-ils 100 % de leur rémunération ? Non, en principe l’allocation spécifique correspond à 70% de la rémunération horaire brute du salarié avec un minimum de 8,03€ de l’heure. Toutefois, certaines conventions collectives prévoient une allocation supérieure. L’employeur peut également décider de payer une allocation supérieure ou même de maintenir 100% de la rémunération du salarié.
Pendant combien de temps pouvons-nous bénéficier du dispositif d’activité partielle ? Là où l'activité partielle pouvait être accordée pour une période maximale de six mois (renouvelable), le décret sur l’activité partielle publié au Journal Officiel du 26 mars 2020 prévoit une période de douze mois.
Non, les employeurs ne peuvent ni décider de suspendre la rémunération de leurs salariés ni la diminuer. Les employeurs ne peuvent pas non plus demander à leurs salariés de prendre un congé sans solde ou de se placer en arrêt de travail pour suspendre le paiement de leur rémunération. Q4 - Puis-je modifier unilatéralement les dates des congés payés de mes salariés?
Conformément aux dispositions de la loi d'urgence du 23 mars 2020 et de l’ordonnance n°2020-323 publiée le 26 mars 2020, l’employeur peut :
- imposer ou modifier unilatéralement la prise de jours de congés payés acquis par un salarié, y compris avant l’ouverture de la période au cours de laquelle ils ont normalement vocation à être pris, dans la limite de 6 jours ouvrables, sous réserve d’un accord d’entreprise ou d’un accord de branche l’y autorisant et sous réserve de respecter un délai de prévenance qui ne peut être inférieur à un jour franc. La période de congés imposée ou modifiée ne peut s’étendre au-delà du 31 décembre 2020;
- d’imposer ou modifier unilatéralement les jours de réduction du temps de travail ("JRTT") et les jours de repos prévus dans les accords sur le temps de travail forfaitaire et les jours de repos attribués au compte épargne temps sous réserve de respecter un délai de prévenance qui ne peut être inférieur à un jour franc. La période de congés imposée ou modifiée ne peut s’étendre au-delà du 31 décembre 2020.
Le nombre total de jours de repos dont l'employeur peut imposer au salarié la prise ou dont il peut modifier la date ne peut être supérieur à 10.
Q4 - Puis-je cesser de payer les cotisations de sécurité sociale ?Non, selon les annonces du gouvernement français, les entreprises peuvent différer le paiement de leurs cotisations de sécurité sociale en tout ou en partie pour le mois de mars ou avril sans pénalité.
La date de paiement des cotisations de sécurité sociale peut être reportée de 3 mois au maximum.
Outre le report du paiement des cotisations de sécurité sociale, les entreprises peuvent demander à l'administration fiscale de différer le paiement de leurs prochaines échéances fiscales.
Conformément aux annonces du Gouvernement, certaines entreprises peuvent solliciter la suspension du paiement des factures de loyer, d'eau et d'électricité. Un décret devrait être adopté prochainement afin de déterminer les entreprises bénéficiaires d’une telle mesure.
La loi d'urgence du 23 mars 2020 prévoit que le gouvernement pourra prendre toute mesure pour limiter la résiliation des contrats de travail.
En dépit de la pandémie du COVID-19, une entreprise devra être en mesure de démontrer l’existence d’un motif économique au sens du droit du travail (difficultés financières, nécessité de préserver la compétitivité de l'entreprise sur le marché, cessation d’activité) afin de justifier des licenciements prononcés. Il sera très difficile pour les entreprises de pouvoir valablement justifier le licenciement d'un ou de plusieurs salariés dans les tous premiers jours ou dans les premières semaines de la crise liée au COVID-19. Cela sera d’autant plus difficile à démontrer que le Gouvernement s’est engagé à mettre en place des mesures spécifiques visant à limiter le nombre de licenciements.
En vertu du code du travail, les salariés peuvent se retirer d’une situation de travail dont ils ont un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour leur vie ou leur santé. Dans une telle situation, les salariés peuvent quitter leur lieu de travail ou refuser de travailler sans l’accord de l'employeur. C’est ce qu’on appelle communément le « droit de retrait ».
En principe, la pandémie COVID-19 ne devrait pas, en soi, justifier le recours par les salariés à leur droit de retrait. Toutefois, si un employeur n'offre pas à ses salariés une protection suffisante pour leur permettre de travailler en toute sécurité, les salariés pourraient utiliser leur droit de retrait, en particulier si l’un des salariés a été testé positif au COVID-19.
Si le salarié use légitimement de son droit de retrait, l'employeur ne peut ni retenir une partie de la rémunération du salarié ni le sanctionner pour avoir utilisé son droit de retrait. L’employeur ne peut davantage demander au salarié qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent.